Tout un chacun connaît le célèbre "Voyage au centre de la terre" (1864) du non moins célèbre Jules VERNE. Ce dernier écrivait ce qu'on désigne aujourd'hui sous le nom de "science-fiction" c'est-à-dire des réalités sorties tout droit de son imagination, certaines devant cependant s'avérer vraies ou exactes longtemps après sa mort. Christian GALFARD, lui, physicien de son état, dans son ouvrage "L'Univers à portée de main" (2015), nous entraine dans un voyage, certes imaginaire, mais dans lequel tout est avéré. Au contraire de VERNE, il n'invente rien et tout chez lui s'appuie sur les découvertes scientifiques des deux dernières siècles au cours desquelles notre connaissance de l'univers (tant de l'infiniment grand à savoir le cosmos que de l'infiniment petit à savoir le monde quantique) a fait un bond extraordinaire.
Sauf que ce fameux bond, la quasi-totalité des gens n'en ont jamais entendu parler ou alors très vaguement, hormis ceux qui ont fait des études scientifiques. Si cela n'est pas trop grave s'agissant de Monsieur-tout-le-monde, c'est tout simplement catastrophique au niveau de l'autre versant de l'intellectualité, celui de la philosophie, de la littérature et des sciences humaines. Depuis que la philosophie a divorcé de la science (Descartes, Pascal etc. étaient de grands mathématiciens) il y a environ deux siècles, un fossé presqu'infranchissable s'est creusé entre elles et la science a pris une telle avance qu'il est illusoire d'espérer qu'un jour elles chemineront à nouveau de concert. Mais le plus affligeant est que plus la philosophie et les sciences humaines perdaient pied, plus elles faisaient montre d'arrogance au point d'en arriver de nos jours à un conglomérat de discours creux absolument insupportable.
Mais revenons à l'ouvrage de Christian GALFARD qui invite le lecteur à voyager par l'esprit d'abord au-dessus de notre planète terre, puis dans notre système solaire et enfin plus loin, dans l'immensité de notre galaxie jusqu'à son centre qui est un "trou noir". Ici, il convient de s'arrêter une instant : il ne faut pas confondre "exercice de pensée" et "divagation de l'imagination". Tout scientifique dispose, en effet, de deux outils majeur à sa disposition : l'expérience et l'exercice de pensée. La première se fait avec des tubes, des microscopes, des ordinateurs, des accélérateurs de particule etc. tandis que la seconde se fait uniquement dans la tête. Par le simple travail de l'esprit. Les scientifiques normaux fonctionnent en se livrant à des expériences tandis que les scientifiques géniaux osent des exercices de pensée. La théorie de la Relativité d'EINSTEIN, par exemple, (soit 4 pages ne contenant aucune équation !!!) relève de l'exercice de pensée. Il est incroyable que la théorie qui a totalement révolutionné notre vision de l'univers n'ait eu besoin d'aucun appareillage sophistiqué et même pas d'ordinateur puisqu'ils n'existaient pas en 1915.
C. GALFARD ne prend certes pas son lecteur pour un génie, mais il l'invite à se livrer à un exercice de pensée (qui n'a rien à voir avec l'imagination littéraire, répétons-le !) et comme ce voyage galactique commence dans les environs de la terre, il en profite pour nous alphabétiser un peu et nous apprendre, pour ne prendre que cette exemple, que :
"Il y a environ quatre milliards d'années, la Terre, alors jeune planète solitaire, a été percutée par une autre planète de la taille de Mars, qui arracha un gigantesque morceau de son écorce pour l'éjecter dans l'espace. Au cours des milliers d'années qui suivirent, les débris de cette collision se sont doucement assemblés en une boule tournant autour de notre monde, donnant naissance à cette Lune sur laquelle vous vous trouvez à présent."
On n'est pas dans de la science-fiction là, mais dans le l'astrophysique. On vient de nous expliquer la naissance de la lune, mais le soleil et sa composition n'est pas oublié. Monsieur-tout-le-monde, les prêtes des religions animistes et les poètes sont persuadés qu'il comporte du feu, qu'il a des flammes, ce qui est totalement erroné :
"Le Soleil n'est pas une grosse boule de feu__le feu a besoin d'oxygène pour se maintenir...Le soleil, et il en est de même pour toutes les étoiles dans le ciel, est une grosse boule de plasma chaud et brillant, mélange d'électrons, d'atomes privés de leurs électrons (n les appelle des ions et d'atomes privés de tous leurs électrons, les noyaux atomiques nus."
Mauvaise nouvelle : il devrait exploser dans cinq milliards d'années étant arrivé à mi-vie car il aura épuisé son carburant (composé d'hydrogène et de lithium). Faisons à nouveau un petit arrêt : il n'y a pas que les êtres humains qui vivent et qui meurent. Les étoiles aussi ! Et cela devrait donner à réfléchir à nos chers philosophes qui écrivent des tartines sur "la finitude de l'existence humaine et bla-bla-bla". Ben non, la Mort n'est pas la propriété privée de l'espèce humaine laquelle d'ailleurs n'a que 200 ou 300.000 ans d'existence alors que l'univers, lui, en a...13,7 milliards d'années. Autant dire que l'univers a vécu 99% de son existence sans nous, les humains ! Qu'on me comprenne : je n'ai rien contre la philosophie et ses satellites dites "sciences humaines", mais il est temps qu'elles fassent preuve d'un peu d'humilité tant ce sur quoi elles s'appuient est souvent soit dépassé soit infondé.
Revenons à nouveau au livre de C. GALFARD dont il est impossible évidemment d'exposer tout ce qu'il contient de riche et de stimulant pour l'esprit quoique parfois difficile à comprendre malgré ses louables efforts de vulgarisation. Il nous emmène jusqu'aux étoiles les plus proches et les plus éloignées de la notre, le Soleil, nous rappelant au passage que :
"Loin d'être Tout, la Voie lactée n'est rien de plus qu'in îlot d'étoiles perdu dans une immensité bien plus grande encore."
Une planète minuscule éclairée par un soleil nain dans une banale banlieue d'une galaxie elle-même insignifiante parmi les...230 millions recensées. Autant dire quasiment rien ! Dit comme cela, il est presqu'impossible d'en avoir une claire conception. Pour ce faire, il convient d'aller dans un centre de recherches ou un observatoire d'astronomie. J'ai eu cette chance insigne une fois dans ma vie (mais une seule fois suffit) lorsqu'invité dans un colloque d'études francophones à Tucson, Arizona (Etats-Unis), à la fin des années 80 du siècle dernier, on nous avait invité à choisir, pour notre jour de liberté, soit de visiter une ville de cow-boys reconstituée avec des figurants soit l'observatoire astronomique de Kitt Peak. J'avais choisi, sans trop y réfléchir, ce dernier et l'on nous avait conduit à travers le désert jusqu'à une montagne isolée surmontée de gigantesques télescopes. Là, loin de toute ville, le ciel ne subissait aucune pollution lumineuse et le travail des astronomes s'en trouvait facilité. Entre parenthèses, si la découverte de l'électricité a sorti l'espèce humaine de la nuit s'agissant de son petit monde (la Terre) à lui, dans le même temps, elle lui a obscurci le vaste monde (le Cosmos). Nous ne regardons plus le ciel nocturne et quand bien même nous le ferions, la profusion de lumières de toutes sortes nous empêche de le voir. La Fée Electricité n'est qu'une Sorcière qui nous en a, hélas, bouché la vue.
Ce que nous avons aperçu sur les écrans des ordinateurs auxquels étaient reliés les télescopes de Kitt Peak nous a laissés sans voix. Pour tenter une comparaison, c'est un peu comme si vous viviez depuis toujours dans un monde où il n'y avait que des fourmis et que subitement, un jour, vous voyiez apparaître un éléphant. Voir l'univers m'a glacé le sang. Et encore ce n'était qu'une minuscule partie de son immensité puisque depuis, les sondes spatiales nous ont appris qu'il est bien plus vaste qu'on l'imaginait et que, sans doute, existent des univers parallèles, dit "multivers", à côté du nôtre. Depuis, je n'ai jamais cessé d'être hanté par ces images qui m'aident beaucoup à relativiser les médiocres petits problèmes de l'existence quotidienne. On devrait instaurer l'astrophysique comme matière obligatoire dès le Cours Elémentaire 1è année de façon à permettre aux jeunes enfants de mesurer l'insignifiance de tout ce qui nous entoure, à commencer par nous mêmes l'espèce humaine. Sans doute que devenus grands, ils deviendraient moins arrogants...
Revenons à nouveau au livre de C. GALFARD qui nous apprend que notre pourtant minuscule galaxie, la Voie lactée, comporte pas moins de...300 millions d'étoiles. De soleils, quoi ! Car les étoiles ne sont que des soleils lointains. A force de voir le soleil uniquement le jour et les étoiles uniquement la nuit, l'être humain a fini par croire qu'ils étaient différents. Mais non ! Ils sont pareils. Et dans le voyage que nous propose l'auteur, on finit par apercevoir notre plus proche voisine, la galaxie d'Andromède, plus grosse que la nôtre, et qui fusionnera avec cette dernière dans quelques milliers d'années car elles se rapprochent inexorablement tout en tournoyant l'une autour de l'autre :
"...en réalité toutes les galaxies de l'univers sont engagées dans un ballet cosmique."
En lisant ça, on lâche le livre de GALFARD et on se dit : la lune tourne autour de la terre, la terre tourne autour du soleil, le soleil tourne autour de la Voie lactée, la Voie lactée tourne au tour d'Andromède etc...etc...Bref, l'univers entier tourne en rond, quoi ! Une sorte d'incommensurable manège dont on se demande bien, si jamais il y a bien un Créateur, un Dieu ou un Grand Architecte, qu'est-ce qui a bien pu lui passer par la tête pour créer un truc pareil. Ca l'amuse de voir des boules tourner en rond dans le vide depuis des milliards d'années ? En même temps, s'il n'y a pas de Créateur, comment et pourquoi cet (absurde) ballet cosmique est-il apparu ? GALFARD, le docteur en physique, ne répond évidemment pas à cette question métaphysique, mais, nous, lecteurs, rien ne nous empêche de nous la poser et d'en donner la réponse que nous voulons. Il continue à nous faire voyager jusqu'à deux...murs : le Big Bang et un second qui cache ce qui a provoqué le Big Bang. Cela à la vitesse, indépassable, de la lumière : presque 300.000kms par seconde. Mais précise tout de suite l'auteur :
"Suprêmement rapide, mais incroyablement lent au regard des distances qui nous séparent des étoiles de la Voie lactée, sans parler de autres galaxies."
Ce qui veut dire que quand on sait que nos fusées spatiales vont à peine à...10% de la vitesse de la lumière, nous n'avons aucune chance, de part la brièveté de notre existence (cent ans au grand maximum), d'espérer pourvoir un jour approcher ne seraiit-ce que Proxima du Centaure, l'étoile la plus proche de la nôtre (le Soleil). A moins que des technologies révolutionnaires ne parviennent à augmenter la vitesse de nos engins spatiaux, chose qui n'est pas du tout impossible.
La seconde moitié de l'ouvrage est tout aussi passionnante puisque GALFARD nous convie au voyage en sens inverse : ll nous avait fait traverser notre galaxie, puis le cosmos, maintenant, il nous ramène vers l'infiniment petit, celui des atomes ou plus exactement des particules subatomiques. Vers le vide quantique...Je ne vais pas en parler et préfère vous encourager à vous plonger dans ces pages hallucinantes, en gardant à l'esprit ce que disaient deux des plus grands théoriciens de la physique quantique que GALFARD cite :
Richard FEYNMAN, Prix Nobel de physique 1965 :
"Je crois pouvoir affirmer que personne ne comprend vraiment la physique quantique."
Niels BOHR, Prix Nobel de physique 1922 :
"Ceux qui n'ont pas été sous le choc quand ils ont découvert la théorie quantique ne peuvent l'avoir comprise."
Nous, pauvres lecteurs, non scientifiques en plus, le peu qu'on y comprend, à travers l'ouvrage de GALFARD, nous sidère, mais peut-être que la sidération est le commencement de la sagesse, cette sagesse que nos prétentieux philosophes, totalement ignorants des révolutions scientifiques des deux siècles derniers, prétendent détenir. Comment, en effet, pouvoir tenir le moindre discours sérieux sur ce qu'ils nomment pompeusement "le Réel" ou "la Réalité, quand on ne sait même pas que ce dont cette dernière est composé défie l'imagination ? Mais bon, ne soyons pas trop méchants puisque certaines philosophies nous disent que tout ce qu'elles savent c'est qu'elles ne savent rien et laissons le dernier mot à ce grand humoriste que fut EINSTEIN :
"Toute réflexion faite, peut-être que dieu est cachotier."...