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Le SERMAC occupé manu militari par des gendarmes français

Le SERMAC occupé manu militari par des gendarmes français

  Aimé Césaire doit se retourner dans sa tombe. L'ancien Parc Galliéni, du nom d'un colonialiste bien connu, avait été réquisitionné par lui pour faire place au SERMAC.

 Longtemps, ce SERMAC fut le haut lieu de la préservation de la culture martiniquaise, du moins, celle de la population majoritaire dite "afrodescendante". Au coeur de la ville coloniale au nom qu'il faudra bien débaptiser un jour (Fort-de-France !), résonnait le tambour des "Vieux Nègres" des mornes. "La bouche de ceux qui n'ont pas de bouche" pour paraphraser un vers célèbre du poète de la Négritude. Ce qui s'appela longtemps le Parc Floral avant de prendre le nom de ce dernier fut un haut lieu de la résistance martiniquaise face à un Etat colonial longtemps implacable mais aussi face à une "békaille" et "mulâtraille" méprisantes. 
  Un nombre considérable d'artistes de toutes disciplines purent s'y former ou y déployer leur talent et même connaitre une renommée qui dépassa les frontières de notre "petit rien ellipsoïdal" (Césaire) de pays : Ti Raoul, Mona, Victor Anicet et tant d'autres. Césaire, alors maire de la ville, y reçut des hôtes prestigieux tels que le président du Sénégal et confrère en Négritude, Léopold Sédar Senghor ou encore Jean-Bertrand Aristide, le président d'Haïti. Le Festival Culturel annuel de Fort-de-France brillait de mille feux, accueillant lui aussi des artistes d'envergure mondiale. On pouvait donc penser que l'assimilation résultant de la désastreuse loi de 1946 (rapportée par le même Aimé Césaire) était jugulée. Non pas vaincue certes, mais tenue en lisière en dépit de la pression constante du Pouvoir central, de l'Etat français. 
 Et puis, voici qu'aujourd'hui, en ce début de nouveau millénaire (on songe immanquablement au Quatrième siècle (1964) de Glissant), ce même lieu a été occupé par les forces militaires comme aux époques les plus sombres de la répression coloniale !
 Des gendarmes ont, en effet, été déployés à l'intérieur même du Parc Aimé Césaire et devant la Porte du Tricentenaire que des activistes avaient promis de détruire comme il l'avaient fait une semaine plus tôt pour les statues de Joséphine et de D'Esnambuc. Quel plus affligeant symbole de ce qu'il faut bien appeler la décadence à la fois de l'idéologie de la Négritude et du parti, le PPM, qui la porte depuis un demi-siècle, le parti qu'avait créé Aimé Césaire en 1958 lorsqu'il se sépara des communistes martiniquais ! Car enfin, les activistes noiristes sont bel et bien les petits-fils de cette idéologie qu'ils ont simplement voulu appliquer au pied de la lettre. Que Letchimy et Laguerre ne l'aient pas compris ou aient refusé de le comprendre en les qualifiant le 22 mai dernier de "vandales" relève d'une cécité politique consternante. Ces activistes n'ont fait que prendre au mot les paroles puissantes, les envolées lyriques dévastatrices, du Discours sur le colonialisme du même Césaire.  Il n'y a pas si longtemps, en 2004, ce dernier déclarait ceci :
 "Je pense, tout simplement, que c'est la jeunesse qui doit dire ce qu'elle va faire. Nous avons fait une expérience, mais j'ai bien conscience qu'un cycle est terminé, qu'il y a un autre monde à inventer. Pour l'inventer, il faut faire le bilan de ce qui a été fait et de ce qui existe. Le temps des idéologies sommaires est épuisé."
 L'explication de cette incompréhension monumentale des leaders du PPM, qui ont multiplié les bourdes et les rodomontades avant de capituler en rase campagne devant les activistes en appelant désormais au "dialogue", tient à plusieurs facteurs. Le premier d'entre eux a trait en grande partie à la non prise en compte de la pensée des deux autres géants de la pensée martiniquaise : Frantz Fanon et Edouard Glissant. Certes, le premier est souvent cité, mis en valeur, célébré même mais sur le mode du slogan, de l'incantation rituelle qui ne mange pas de pain. Il est vrai qu'on n'avait guère entendu le député Césaire pendant la longue (7 ans) guerre d'Algérie qui a fait 1 million de morts. Quant à Edouard Glissant, le SERMAC semble n'avoir jamais entendu parler de lui ! Aucune de ses pièces n'a jamais été montée lors du festival culturel. Aucune invitation ne lui fut jamais lancée à prononcer une conférence au Grand Carbet alors que d'autres personnalités de bien moindre envergure intellectuelle ont eu cet honneur (comme ce fut le cas dernièrement d'Alexandre Capo-Chichi dit Kémi Séba).
 Or, avec Le Discours sur le colonialisme (Césaire, 1950), Les Damnés de la Terre (Fanon, 1961) et Le Discours antillais (Glissant, 1981), notre Martinique disposait d'une arme de CONSTRUCTION massive. 
 Mis ensemble, ces trois puissantes armatures intellectuelles auraient pu nous aider à penser notre présent (ce présent que Césaire qualifia de "version du paradis absurdement ratée") et surtout à imaginer les voies et moyens d'en sortir. Or, nous y voilà embourbés comme ad vitam aeternam ! Pour ce faire, au lieu de se crisper sur la seule Négritude et en faire un fonds de commerce, il aurait fallu l'élargir et l'enrichir des apports des autres composantes de la société martiniquaise et cela non pas sur le mode anecdotique comme cela a été le cas jusqu'à ce jour. Négritude, Martinicanité, Indianité, Créolité, Caribéannité et ce que Glissant nommait "le Tout-Monde" auraient demandé à être pensées de concert parce que c'est ce qui nous définit le plus exactement. Parce que surtout notre Martinique a cessé d'être un "lambeau de France palpitant sous d'autres cieux" (De Gaulle) et est embarquée, qu'elle le veuille ou non, dans ce que l'on appelle la globalisation ou mondialisation. Il y a à une trentaine d'années, il n'y avait aucun étudiant martiniquais au Québec, par exemple. Nous n'exportions pas de rhum au Japon. Des touristes italiens et allemands ne venaient pas profiter de nos plages. Nous n'avions pas de footballeurs professionnels qui jouaient en Espagne, en Bulgarie ou en Turquie. Nous étions enfermés dans une relation avec le seul Hexagone. Nous naviguions entre Isiya (la Martinique) et Laba-a (la France), terres qu'ils n'étaient même pas besoin de nommer ! 
 S'en tenir par conséquent à notre seule Négritude revenait et revient encore à refuser d'affronter et d'assumer notre complexitéC'est surtout ne tenir aucun compte de la mondialisation.  Sans compter qu'aller, dans le même temps, planter "le Courbaril de la Réconciliation" sur l'"Habitation" du plus riche Béké martiniquais sans rien exiger de lui en échange (même pas la reconstruction à l'identique d'une Rue-Cases-Nègres) comme l'ont fait Césaire et Darsières relève de ces inconséquences qui ont jalonné la trajectoire politico-culturelle du PPM depuis des décennies. Une Négritude qui se prosterne devant la Békaille, c'est un peu fort de café quand même !
 Et que dire du silence fait sur l'exigence fanonienne ? Cette manie de toujours se référer à Peaux noires, masque blanc (1952), ce qui cadre avec la Négritude, mais presque jamais avec Les Damnés de la terre (1961) qui interpelle sur la non-souveraineté de la Martinique. Cette occultation a longtemps permis de se cacher derrière l'idée d'autonomie sauf que cette dernière n'a jamais été davantage qu'un slogan et que jamais elle n'a été définie concrètement, chose qui eût pu rassurer le peuple. Car contrairement à ce que l'on imagine, nombre de Martiniquais ne craignent pas l'autonomie, ils ont simplement peur de ceux qui pourraient la mettre en oeuvre. Comme ils craignent d'ailleurs ceux qui prônent l'indépendance sans jamais donner de chiffres car pour en donner, encore aurait-il fallu que nos indépendantistes aillent voir comment fonctionne un état micro-insulaire. Avec quoi paie-t-on les policiers, les magistrats, les infirmières, les enseignants etc...à l'île Maurice ou à Barbade ? Comment y règle-t-on la facture pétrolière et gazière ? Quelle unité monétaire va-t-on utiliser ? Sur quels l'aide de quels pays pourra-t-on compter ? Voici ce qui intéresse le peuple et si on (on = autonomistes et indépendantistes) lui expliquait comment de manière chiffrée, il est fort probable qu'il ne voterait pas à 79% contre cette poussière d'autonomie qu'est l'Article 74 et ne verrait pas l'indépendance comme les portes de l'Enfer.
 A part faire référence de manière rhétorique aux "landers" allemands (chers à Césaire) et aux régions italiennes, aucun autonomiste n'est allé voir comment fonctionnent réellement ces territoires. Cette inconséquence (qui est aussi celle des indépendantistes comme on vient de le voir) a inévitablement fait le lit de la désespérance, celle qui frappe actuellement notre jeunesse urbaine laquelle n'a apparemment d'autre solution que de déboulonner à tout-va. Le SERMAC, quant à lui, a aussi fait le lit d'une africanité de pacotille sur fond de port du boubou, de danses et de musiques africaines comme si les cultures du continent noir se résumaient à cela. Surfant aussi sur le rastafarisme sans même voir que le projet de retour en Afrique de ce dernier est en totale contradiction avec l'idée géniale de Césaire consistant à "domicilier l'Afrique aux Antilles". Et la première exigence d'une telle domiciliation aurait été l'enseignement d'une grande langue africaine en-dehors du système scolaire français. Le SERMAC pouvait parfaitement le faire ! Sans même parler des religions et de la philosophie africaines. 
 Aujourd'hui donc, les forces de l'ordre françaises occupent le Parc Aimé Césaire et au lieu de se livrer à une auto-critique, au lieu de chercher à intégrer Fanon et Glissant dans sa praxis politico-culturelle, le PPM s'empresse de créer une "Commission Mémoire et Transmission" qui ne fera que ressasser de vieilles lunes comme ce distinguo totalement infondé entre "Histoire" et "Mémoire". La première étant censée être rationnelle, factuelle, scientifique même, alors que la seconde relèverait du ressenti, du mythique et de l'idéologique. Sauf que chez nous, les documents (archives) sur lesquels s'appuient nos historiens ont tous été écrits par les colons ! Nos historiens ignorent superbement nos archives orales et cette "archive symbolique" qu'est la langue créole (Dany Bébel-Gisler). Et puis, même en pays occidental, l'histoire est une reconstruction, chaque historien la reconstruisant à sa manière, ne serait-ce que dans la simple définition des grands événements historiques. Car enfin, parler de la 1è et de la 2è guerres mondiales, est-ce bien "scientifique" quand on sait que pas un seul coup de feu ou de canon n'a été tiré ni sur le continent américain de l'Alaska à la Terre de feu ni en Afrique noire ? Ne serait-il pas plus exact de parler de la 1è et la 2è Guerres civiles européennes ? Autre exemple : parler de "la Shoah" n'est pas dire exactement la même chose que "la destruction des Juifs d'Europe". Et chez nous : est-ce que "l'Abolition de l'esclavage" est la même chose que "la Révolution anti-esclavagiste" ? Gageons donc que cette fameuse "Commission Mémoire et Transmission" du PPM ne tiendra aucun compte des analyses profondes de Glissant, dans "Le Discours antillais" (1981), sur ce qu'il nomme "la vision prophétique de l'histoire" qui apparait comme la plus adaptée à notre situation particulière et qui balaie le distinguo factice entre "histoire" et "mémoire".
 Outre ladite commission, le PPM s'enferre également dans une stratégie misérable car électoraliste visant à brandir le bouclier-Césaire. On s'empresse de fabriquer des tee-shirts marqués "Pa menyen Césaire" (Ne touchez pas à Césaire) comme si c'est à lui que s'attaquaient les activistes !!! On appelle au dialogue tout en réaffirmant son souhait de demeurer au sein de la République Une et Indivisible. On cherche à diaboliser les indépendantistes comme d'habitude. On joue la montre en espérant secrètement que le mouvement des activistes ne sera qu'un feu de paille. On songe déjà aux prochaines élections territoriales qui n'auront pourtant leu que dans huit mois.
 Bref, on court au désastre...
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Commentaires

michel mirgan | 05/08/2020 - 11:47 :
1) La question du programme chiffrée est cruciale .tant que nos (pseudo) indépendantistes se contenteront de slogans plus ou moins marxistes sans programme CHIFFRE les gens ne marcheront pas .Ce n'est pas à coup de slogans plus ou moins marxistes que les îles voisines ou semblables résolvent leurs problèmes et paient leurs fonctionnaires ,mais avec de l'argent qu'ils font fructifier. Présenter des chiffres crédibles quitte à ce qu'ils soint moins attractifs que les actuels salaires sur-gonflés aux 40%. Un peu de courage messieurs les "révolutionnaires" 2)Il y eu des très violents combats en Afrique du Nord durant la 2ème guerre Mondiale ..Les opérations japonaises dans le Pacifique et le sud-Est asiatique contre les Américains et les Australiens.ne furent absolument pas liées à une quelconque "guerre civile européenne".pas plus que la révolte anti-turque menée par les Arabes en 1914-1918

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